Voilà déjà 6 jours que ma course est passée et je sens que le corps a bien pris quand même ; les jambes sont encore lourdes et j’ai 2 ampoules qui me font un peu mal.
En tout cas, j’ai digéré cette aventure et j’ai envie de vous raconter un peu ce qui s’est passé pendant ces 25h30, 135 km et 6000 d+.
Déjà, revenons au début de cette épopée qui a commencé il y 8-9 mois quand Marc, un collègue de boulot, m’a branché pour faire ce truc de fou. Au départ, je n’étais vraiment pas trop chaud, car, moi le routier, partir sur un trail de plus de 100 bornes, franchement, c’est du délire.
Puis, au fur à mesure, l’idée a fait son chemin, je me suis dit « pourquoi pas ? » … et je me suis inscrit… en établissant un programme progressif incluant quelques courses bien choisies pour tenter d’aller au bout des 135km.
Cet hiver, j’ai donc fait les cross et fait des sorties natures pour habituer le corps à ce genre d’épreuve. Ensuite, fin janvier, j’ai fait un 1er trail de 30 bornes avec 1000d+. Cette course ne s’est pas super bien passée car j’ai été malade… mais bon, je suis allé au bout car je me suis dit qu’au mois de mai, il y a de fortes chances que je ne sois pas au top et que je risque de traverser des moments difficiles. Après, j’avais inclus un trail de 23km et 1200d+ dans la Ste Baume, histoire de voir le type de terrain qui m’attendait ; je n’ai pas été déçu car franchement on a bouffé de la caillasse. Par contre, le parcours m’a bien fatigué et je commençais à douter de mes capacités à faire les 135km… A la suite, je devais faire, pour monter en volume et en durée d’effort, le trail de la Ste Victoire et ses 58km et 2800d+. Malheureusement, les conditions climatiques ont changé la donne et je n’ai fait que 36km et 1200d+ ; c’était d’ailleurs très dur et pour ne pas mentir, je m’inquiétais de plus en plus quant à l’atteinte de mon objectif fin mai.
En fin de prépa, je suis allé faire des sorties dans la Ste Victoire pour repérer des passages de la course et à chaque fois je suis rentré bien fatigué avec les jambes, surtout les cuisses, fracassées. En plus, à chaque fois, c’est dans les descentes que je me faisais mal… Alors, imaginais mes doutes, alors que l’événement approchait à grands pas.
Sur les 15 derniers jours de prépa, fatigué, j’ai vraiment levé le pas niveau entrainement et je n’ai fait que quelques sorties calmes avec une seule sortie la dernière semaine. Je voulais arriver le plus frais possible.
Le jour de la course est alors arrivé et c’est avec une bonne dose de stress et surtout de gros doutes que je me suis présenté sur la ligne de départ ; en fait, je doutais vraiment de mes capacités à finir tant j’avais du mal avec le trail.
Au départ, j’ai retrouvé mes compagnons, Marc et Guillaume et l’idée était de rester ensemble jusqu’au 65ème et l’arrivée de Guillaume, puis ensuite de finir avec Marc. Un autre invité non prévu était au départ : le soleil et la chaleur (30° !!) et celui là, allait sans aucun doute nous compliquait la tâche.
15h00 le départ est donné !!
On est parti et ça commence par 300m sur piste au centre d’Aix-en-Provence ; on salue tout le monde et on part sous les encouragements du public.
Dès la sortie du stade, on rejoint un parc puis des petits sentiers au milieu de la ville ; ça s’étire déjà pas mal et on commence déjà à bien transpirer tellement il fait chaud.
On est sur du monotrace pour rejoindre le site de la Ste Victoire, le premier massif à passer. On est cool mais je préfère rapidement passer en mode marche au regard du cardio. Je pense également à bien m’hydrater par petites gorgées car je sens que ça va avoir son importance. On blague pas mal aussi pendant ce début de course et même si on enchaine les petites montées, on arrive finalement rapidement au premier point d’eau (barrage de Bimont) : 1h16 pour 10,5 km (351 d+ et 151 d-) ; là j’en profite pour remplir les gourdes car on a déjà passé 1l d’eau.
L’ambiance est bonne et les gens nous encouragent ; on leur répond amicalement et tout se passe bien.
On a attaqué la 1ère montée et on se rend compte que ça s’est bien étiré et que les gens courent/marchent à la queue leleu. Pour ma part, je ne suis déjà plus dans mes plans (sans doute trop optimiste), mais je me sens bien.
La montée passe bien et mes compagnons de route sont toujours avec moi ; la chaleur est quant à elle bien présente et on transpire beaucoup. Ce qui est étrange, c’est de voir déjà des gens à la peine, comme ce concurrent qui s’est pris les pieds dans le
et est tombé de tout son long ; on s’est arrêté quelques minutes pour l’aider mais bon je ne pense pas qu’il soit allé au bout…
Arrivés en haut de cette première montée, on attaque une descente très raide de 3km que j’avais repérée pendant mes séances préparatoires. Je l’aborde donc très cool pour ne pas solliciter trop les cuisses et finalement elle passe bien comme ça.
Après un nouveau bloc de 8km (522 d+ et 520d-) fait en 1h34, on arrive au 1er point de contrôle et 1er ravito du parcours : les Cabassols (2h50 pour 18km !!). Je m’alimente, bois et remplis les bidons et on repart après 5-10’ d’arrêt.
On va attaquer un gros morceau là : 7.8 km et 760 d+ et ça va faire des dégâts… Je vais perdre mes 2 compagnons et beaucoup de gens sont à la peine sur ce tronçon ; on appellera même les secours pour un concurrent victime d’un malaise. Je pense sincèrement que les gens n’avaient pas imaginé une telle chaleur et ils ne se sont sans doute pas assez hydratés voire même, ils n’ont pas pris assez d’eau. Moi, pour ma part, après m’être arrêté plusieurs fois pour attendre les copains, victime de crampes pour l’un et pas bien du tout pour l’autre, je dois partir à monter à mon rythme si je veux aller au bout de mon objectif.
J’arrive au bout de la montée, arrêt compris, en 2h08 (mais j’ai dû perdre 30’ mini en arrêts divers !). Je suis plutôt bien finalement et j’attaque donc les 4.5 km de descente sans attendre. Là encore, j’ai la chance d’avoir déjà fait cette descente et je peux maitriser.
C’est en 40-45’ que j’arrive en bas, à Puyloubier, et que je retrouve pour la première fois, les amis et surtout femme et enfants. Il y a du monde à ce ravitaillement.
Je m’arrêterai 15’ pour refaire le plein des gourdes et du bonhomme. Je fais un bilan de ces 30 premiers kilomètres qui sont bien passées ; le seul hic c’est que j’ai déjà mis presque 6h et surtout j’ai perdu mes compagnons du départ… car quand je repars, ils ne sont toujours pas là. D’ailleurs, celui qui devait faire les 135 avec moi a été arrêté par les secours à ce point ; il avait 9 de tension.
A presque 21h, je repars donc seul de Puyloubier. C’est une partie roulante en campagne donc je peux courir un peu… Mais avec la tombée de la nuit, et surtout le fait de me retrouver seul, je vais connaitre mon premier moment difficile. Ça cogite pas mal dans la tête et je me demande ce que je fais là, que c’est n’importe quoi… Je me dis alors que je vais aller jusque mi-course et que j’arrêterai. En fait, je me dis que je vais aller jusque là car un copain m’y attend.
Au grès d’un croisement mal indiqué je vais même prendre un mauvais chemin et devoir faire 750m de plus… et encore 750 pour revenir au croisement… Je suis donc de mauvais poil à ce moment et heureusement que je peux un peu doubler de gens pour me remonter le moral.
J’ai sorti la frontale également car il fait maintenant nuit.
Je ne suis pas bien sur ce tronçon et alors que j’espérais prendre du plaisir ici, je n’en prends pas… C’est dur dans la tête… mais les jambes, elles, sont plutôt bien ; je commence juste à avoir mal aux pieds avec les premières ampoules qui apparaissent…
Après 1h30, 15km (108d+, 205d-) j’arrive au ravitaillement de Trets ; je n’ai pas très
, j’ai un peu la nausée à ce moment là. Je m’efforce quand même de manger un peu et je remplis les gourdes (qui se vident moins vites avec la nuit). J’ai donc déjà fait 45km et cela fait 7h30 que je suis parti d’Aix.
C’est donc reparti avec en tête l’idée d’aller au 65ème et de m’arrêter.
Ma femme m’appellera plusieurs fois pour m’encourager ou me dire que je dois aller au bout et qu’elle m’attendra au 100ème à cassis, samedi matin. Je lui dis oui par politesse, mais la tête n’y est plus.
Pourtant, cela va être mon meilleur moment de la course. Je vais alterner course et marche, doubler pas mal de monde et les 20km vont passer relativement vite finalement ; même la grosse montée de 700m avec 300d+ du 63ème passera plutôt bien. Je me sens bien à ce moment et je prends du plaisir ; je n’ai pas mal aux jambes, ni en montée, ni en descente, juste ces saloperies d’ampoules sous les orteils…
Je passerai les 20km (963 d+, 568d-) en 3h10 mais ce sera un superbe moment pour moi… et plus question d’arrêter finalement…
La mi-course est donc atteinte en 10h40 environ et je suis plutôt frais malgré tout.
Je passerai environ 20’ au ravito, histoire de panser mes pieds (grosses ampoules au pouce droit et entre certains orteils) , remplir les gourdes, manger une soupe et quelques trucs. En plus, j’ai pu parler à mon ami (celui qui m’avait accompagné à Millau) et ça m’a fait du bien.
Je repars donc un peu avant 2 heures du matin de Plan d’Aups, sans avoir oublier de me couvrir car il fait un peu frais quand même. Je tape l’incruste avec un autre coureur qui part en même temps que moi.
On va passer quelques heures ensemble, à discuter de tout et de rien ; le temps passe plutôt vite, même si, vu le profil du parcours, on ne peut pas trop courir malheureusement. En plus, il fait quand même bien noir.
Je perdrai mon compagnon dans une descente technique, car ne voulant prendre aucun risque, je préfère temporiser.
Mais bon, ce n’est pas très grave et alors que le jour commence à poindre, je vais arriver au 83ème km sans encombre. J’aurai mis 3h05 pour faire 17km (500d+ et 900d-) et atteindre le Col de l’Ange. Je me ravitaille légèrement et je repars vers 5h15.
Je sais qu’au prochain ravito, à Cassis, au km 103 je vais voir ma femme et mes enfants.
Les premières douleurs aux cuisses arriveront dans la montée suivante ; je commence à avancer moins vite et mes pieds me font bien mal quand même.
C’est dans ces km, que je vais croiser Romain, celui qui finalement sera mon copain de galère jusqu’à l’arrivée. Au profit des montées et des descentes, on se doublait, puis se redoublait… et finalement on a décidé de rester ensemble ; je le poussais dans les montées et il me tirait dans les descentes.
D’être avec lui, finalement, a été une bonne chose car les kilomètres seul commençaient à devenir difficiles, d’autant plus, que la chaleur était déjà bien présente avec les premiers rayons du soleil. Par contre, quel plaisir pour les yeux ce coin là !!!
La fin du tronçon pour rejoindre le port de cassis nous a fait passer par la route et les descentes ont été traumatisantes ; on commençait vraiment à souffrir et à tirer la langue ; les kilomètres n’avançaient pas et il nous a finalement fallu 3h20 pour faire les 22km (1000 d+ et 1000d-).
Sur la fin, j’ai partagé quelques hectomètres avec mes enfants et c’était vraiment génial, surtout moralement.
J’ai profité de ce ravito pour me délester un peu, remplir les gourdes, et surtout bien manger même si je n’avais guère fin. J’ai ensuite attendu quelques minutes mon compagnon qui se faisait soigner la cheville et on est reparti un peu avant 9h pour les 30 derniers kilomètres en direction de Marseille. J’avais un bon moral à ce moment et d’avoir vu femme et enfants m’a fait le plus grand bien.
Reparti également de Cassis, sans montre GPS (plus de batterie après 18h), je n’avais qu’une montre chrono sur moi… et ça aussi ça n’a pas facilité la fin de course.
La fin se fera finalement au mental, car entre le profil terrible du terrain (que des cailloux), la chaleur (on a dépassé les 30°) et surtout mon mal de pieds et celui de mon compagnon, on avançait guère. Mais bon, entre notre soutien mutuel et le fait qu’il ne restait que « quelques » kilomètres », on s’est bagarré pour aller au bout de cette aventure. Je recevais également les encouragements des amis et de ma femme par SMS.
On a beaucoup, beaucoup bu et même les 2.5l ont presque étaient justes pour faire les 12km (863 d+) jusqu’au ravito de Sugiton ; là, on était content de pouvoir faire le plein car on était au bord de la rupture d’eau. Les bénévoles étaient d’ailleurs au top car ils nous remplissaient nos gourdes pendant qu’on était assis et qu’on s’alimentait.
Le passage suivant, même s’il comportait moins de dénivelé, a été pénible car on a enchainé les montées et les descentes dans les cailloux ; mes pieds me faisaient vraiment mal et je, on, commençait en avoir marre, d’autant plus que le soleil et la chaleur étaient omniprésentes.
On est donc arrivé péniblement au 128ème en presque 5 heures depuis Cassis… On s’est juste rafraichit brièvement au ravito car on avait une seule envie, arriver à Marseille au plus vite.
Et malheureusement pour nous, les 6 kms qui nous restait ont été dantesques. On a commencé avec une montée sèche de 800m avec 100 d+ ; après une petite descente dans les pierres, il a fallu « escalader » pour passer un sommet et j’ai cru mourir tellement je me suis fait peur ; ensuite, on a pris une descente… en escalier entre des blocs de granite et il fallait se mettre sur les fesses pour passer tellement c’était raide… ; ensuite, l’apothéose, une montée de 600m dans un pierrier avec 200 d+. C’était horrible en fait et comme il a fallu redescendre sur 1.5 km dans les caillasses, j’ai fini de m’achever…
Finalement en bas, il nous restait à peine 1km de chemin pour atteindre le parc d’arrivée ; on s’est efforcé de courir pour faire bonne figure, mais on était mort… Ma femme et mes enfants m’attendaient à 300m de la ligne d’arrivée et j’ai fini avec eux. Quel bonheur à ce moment et de voir la fierté dans leurs yeux, c’était magique.
Les gens nous applaudissaient quand on est arrivé et le speaker nous encourageait. C’était tellement bon à ce moment.
C’est donc en 25h30 qu’on a bouclé notre périple et surtout 7h30 pour faire les 30 derniers kilomètres !!!
Quel bonheur d’être arrivé au bout de ce trail de 135km et 6000 d+ et superbe moment de partage avec Romain mon compagnon pendant 10h.
Encore aujourd’hui, j’ai du mal à prendre conscience de ce que j’ai fait…
Après, je sais que ce n’est pas le genre d’épreuve qui me fait rêver… on ne court pas assez… en tout cas, à mon modeste niveau. Je l’ai fait, je suis allé au bout ce challenge, de l’objectif que je m’étais fixé, mais je ne referai pas… en tout cas dans un futur proche. Là, j’ai envie de retrouver la route et d’aller faire du chrono sur marathon… ou 100 bornes… là je me régale.
Merci à tous de m’avoir suivi, encouragé pendant cette aventure, mais mes plus sincères remerciements vont vers ma femme qui m’a soutenu avant et surtout pendant cette course ; sans elle je ne serai sans doute pas allé au bout. Merci mon Amour.
Sinon, je ne peux pas oublier celui qui me suit depuis 5 ans et qui m’a fait, encore une fois, un plan sur mesure : Christian ; donc, un grand merci à toi pour ton aide et ton soutien.